Pourquoi avoir écrit

 
 

J'ai voulu d'abord rendre hommage à un grand pays, le Vietnam, avec lequel j'ai établi de longue date des liens d'amitié.

Ensuite, j'ai tenu à marquer mon estime et mon intérêt pour les exilés, quels qu'ils soient, comme je l'ai fait dans mes précédents romans à propos de la Russie et de l'Espagne.

Le double thème de l'identité et de la relation, dont il est question dans le roman, sont en réalité les deux faces d'un même sujet: plus je me relie à l'autre, plus il me faut m'interroger sur ma propre identité...et décrire en particulier le thème de la double identité des exilés, ou encore de leur identité recomposée à partir de leur origine et de leur nouveau port d'attache. On ne fera jamais assez l'éloge du courage, de la constance et de la confiance qui furent les leurs.

J'aime associer le voyage et l'écriture: le voyage n'est qu'un pré-texte à écrire, de sorte qu'aucune écriture ne saurait exister sans le voyage.

De même, je suis très attaché à cette exigence consistant à introduire la musique dans l'écriture. Bien sûr, ce n'est pas à moi de juger du résultat, mais on doit pouvoir retrouver dans l'écriture les mêmes ingrédients dont est pétrie la musique: la sonorité, le silence, le rythme, la nuance, le tempo.

La musique n'est pas l'écriture, la musique évoque, tandis que l'écriture raconte, la première est équivoque alors que la seconde se doit de préciser les choses et de cerner la réalité. D'un autre côté, musique et écriture sont deux processus qui se déroulent dans le temps et s'altèrent avec lui. Il me semble que l'écriture, comme la musique, sont deux objets nomades, errants. L'une et l'autre n'ont que faire des espaces fixes, de sorte que si je devais rapprocher mon travail d'un quelconque objet je choisirais plutôt un nuage ou les volutes d'une fumée de cigarette.

Quoi qu'il en soit, le cygne de Saigon n'est pas un roman politique. Le livre traite des aspects psychologiques et sociologiques de l'exil mais, ce faisant, il renvoie dos à dos toutes les idéologies qui prétendent se substituer au travail personnel de développement libre de soi-même. Je n'ai pas voulu dire autre chose: nous devons inventer notre liberté sans faire confiance aux idéologies, quelles qu'elles soient.

Remi Huppert.

15 décembre 2009